Devenir psychologue en libéral est une fabuleuse aventure mais qui n’est pas faite pour tout le monde. Il faut apprécier la pratique solitaire et avoir une petite âme entrepreneuriale. Car au delà de recevoir vos patients il faut s’occuper de tout le reste !
Avant de s’installer à son compte
Devenir psychologue libéral nécessite e posséder un titre de psychologue clinicien, ce qui requiert cinq années d’études spécialisées. Le titre de psychologue est protégé c’est à dire que tout le monde ne peut pas s’improviser psychologue ou psychothérapeute comme c’était le cas il y a à peine quelques années. Avant de s’installer, je vous recommande fortement d’avoir une expérience dans des structures en rapport avec vos centres d’intérêts : addiction, accueil d’urgence, aide sociale, petite enfance, service aux personnes âgées, handicape, autisme.. les spécialités ne manquent pas ! D’autant que toutes les spécialités ne s’accommodent pas toujours d’un exercice en libéral.
De mon expérience, l’addiction en est un exemple de la difficulté d’une prise en charge en cabinet de ville tandis que d’autres sont tout simplement impossible à prendre en charge car elle requiert impérativement une approche transdisciplinaire qui est plus difficile à mettre en œuvre en libéral.
Et puis il faut se dégrossir, les patients se rendent vite compte de l’expérience de leur thérapeute. Il faut aussi savoir gérer les cas difficile, parfois les patients mal orienté qui relève de l’hospitalisation car alors, pas possible d’appeler des collègues à l’aide…
Louer un cabinet
Après votre expérience en structure et si vous souhaitez toujours vous installer en libéral alors je vous conseille de commencer par louer un espace de travail avec d’autres professionnels de santé pour bénéficier de leur patientèle mais aussi de se faire un réseau et moins vous sentir seul.e.
Idéalement s’associer avec un psychiatre est une bonne idée si vous en avez l’occasion, car en cas de patient souffrant de troubles psychiatriques sévères vous aurez un psychiatre sous la main ! Les autres professions telles que l’ostéopathie peuvent aussi être envisagées d’autant que les ostéopathes font souvent office de psychothérapeute pour les patients mais quand cela devient trop complexe, ils nous les orientent. C’est aussi un moyen pour se lancer sans trop prendre de risque financier.
Les URSSAF
Maintenant vous voilà dans la peau de l’entrepreneur. Puisque vous allez gagner de l’argent, il va falloir le déclarer à l’Etat et tout commence par une déclaration aux URSSAF. Depuis 2023 les URSSAF s’occupent aussi de votre retraite (la CIPAV qui ne collecte plus les cotisations mais reste votre interlocuteur pour les questions liés à votre retraite). Il vous faudra décider votre statut, en général on commence par l’auto-entreprise. Les cotisations sont fixes, la comptabilité est simplifiée et ne nécessite par d’avoir un comptable. Cela suffit car un psychologue ne génère pas énormément de charge, du moins pas lorsqu’il loue son cabinet.
Plus tard vous pourrez penser à faire l’acquisition de votre propre cabinet mais là c’est une autre affaire dont je pourrai vous parler si cela vous intéresse.
Un dernier point, depuis 2023, un dispositif nationale baptisé « Parcours Psy » qui n’est pas apprécié par tous les psychologues permet aux patients de se faire rembourser par la CPAM (sécu). Le patient doit être adressé par un médecin pour pouvoir en profiter et vous devrez lui remplir une feuille de soin à chacune de ses consultations. Il y a 8 consultations de prise en charge par patient et par an (mais cela peut évoluer). Ce dispositif nécessitera une gestion supplémentaire de votre part (qui est prise en charge dans VisualCab). Le tarif des consultations conventionnées est de 30€. C’est très peu, d’où la grogne de la profession, d’autant que tout dépassement est interdit (et sanctionné).
La gestion du temps
Passons maintenant à la gestion du temps. C’est un point qui va rapidement devenir cruciale en tant que psychologue libéral. A partir d’une quinzaine de patient, je vous recommande d’utiliser des plateformes de prise de rendez-vous en ligne pour éviter d’être dérangé par le téléphone. La prise de rendez-vous est un métier en soi ! Quand, à la fin de la séance, vous perdez 10mn à trouver un créneau qui convient à votre patient et qu’il « oublie » et vous pose un lapin, alors vous comprenez qu’avoir un système qui le gère à votre place est une excellent chose pour votre système nerveux.
Il est aussi important de se ménager du temps entre les consultations et qu’elles ne doivent pas être trop longue. Avec l’expérience je pense que 45mn est idéal, au delà d’une heure cela devient de la torture et de toute façon le patient ne maintiendra pas un niveau d’attention pendant aussi longtemps. Se ménager du temps entre les consultations pour retranscrire rapidement ses notes de séances mais, vous en ferez vite l’expérience, cela servira surtout à rattraper vos inévitables retards. Croyez moi, rien n’est moins embarrassant que d’avoir une consultation de retard, surtout en début de journée !
La santé mentale du psy !
Le métier de psychologue est extrêmement exigeant autant sur le plan intellectuel qu’émotionnel. Autant avec certain patient ce sera presque facile, autant avec d’autres, ce sera la cour des miracles ! On me dit souvent « écouter toute la misère des gens ça doit être usant ! ».
Ce n’est pas tant ça le problème, autant dire à un médecin que voir des gens malades est fatiguant ! Ce qui est usant c’est de faire ce travail de transformation et d’élaboration. Ecouter un discours parfois abscons, fouillis ou irrationnel et le restituer au patient. Cela demande une capacité d’attention extraordinaire, et, quand on est obligé d’enchainer une dizaine de patients dans la journée, votre cerveau est en bouilli. C’est comme avoir été percuté par un train.
Il y a aussi les émotions des patients. La colère, la méfiance, la paranoïa, la surinterprétation… autant d’état émotionnel qui rendent la restitution délicate. Si vous travaillez avec des personnalité borderline alors vous savez de quoi je parle. En effet, il ne faut pas que le patient le prenne mal ou se sente jugé ou abandonné. Chaque mot est important, la manière, le ton, l’attitude… tout doit être soigneusement étudié au risque de voir le patient claquer la porte et vous mettre une étoile sur Google parce qu’il ne s’est pas senti écouté… Ce stress, cette tension nerveuse va immanquablement se répercuter sur votre entourage.
A la fin d’une telle journée, vous n’aurez probablement plus tellement envie de faire la conversation, écouter les difficultés de vos proches ou simplement faire une addition ! Mais si vous vivez en couple, alors vous savez que l’on ne peut pas rentrer tous les soirs en étant épuisé nerveusement, il faut être encore capable d’écouter, de parler et… de faire des additions 🙂
C’est clairement l’aspect du métier que j’ai le plus sous estimé. Je me pensais suffisamment fort mentalement mais la vérité c’est que quand votre vie devient plus complexe : marié.e, des enfants, achat de maison, vie sociale, problème de santé etc. On est bien moins imperméable. Le burn-out n’est plus très loin (et l’on ne peut pas se mettre en Arrêt de Travail, rappelons le). Maintenir sa santé mentale devient une question de vie ou de mort !
Quelques erreurs à ne pas commettre.
Rétrospectivement, ce sont des petites choses que j’aurai aimé savoir avant plutôt que de les apprendre dans le sable et le sang !
D’abord essayer de partager sa journée avec sa moitié, oubliez ! cela va un temps mais rapidement cela va se retourner contre vous (identification projective) et de toute façon vous ne serez plus en capacité de livrer toute les subtilités de votre cas clinique. Mieux vaut rester vague et ne raconter que quelques anecdotes rigolotes.
Ensuite, ne rentrez pas chez vous directement ! Il faut un sas de décompression. Cela peut être de méditer 10mn avec « Petit Bambou » et notre très cher Christophe André, ou bien d’aller faire un running si vous avez la chance de pouvoir courir à côté de votre cabinet ou simplement d’aller boire une bière avec un collègue. Le trajet en voiture, ça ne suffira pas.
Ne pas travailler tous les jours de la semaine. C’est une question de santé mentale, votre business plan doit prévoir que vous puissiez vivre de votre métier sans avoir à travailler tous les jours. Prenez régulièrement des jours ou des après midi sinon vous ne tiendrez pas longtemps.
D’ailleurs je connais très peu de psychologue qui font ce métier depuis plus de 10 ans. Dans ma promo par exemple, je crois que je suis le seul à travailler à 100% en cabinet libéral. Certain de mes collègues ont choisi la formation ou bien la permaculture ! N’importe quoi, mais plus de patient me disent elles.
Psychologue libéral c’est quand même cool !
S’installer en libéral implique une discipline, un gout pour le travail solitaire et un esprit d’entreprise. Mais le jeu en vaut la chandelle. tout est dans le titre, « Libéral », libre. S’installer en libéral c’est aussi une immense liberté : pas de collègue qui vous emmerde, pas de chef qui vous dit comment travailler, pas de service administratif pour vous empêcher de prendre vos congés et si vous préférez commencer à 10h plutôt qu’à 8h, personne ne vous en empêchera.
Pareil pour votre cabinet, vous choisissez votre intérieur, vos outils de travail, votre environnement de travail également… Libéré ! Délivré !
Et si en plus vous avez le bon outil informatique et qu’une bonne âme a pris le temps de vous dire ce qu’il ne fallait pas faire et ce qu’il fallait absolument faire alors c’est un chouette métier. 😉
Conclusion
Etre psychologue, c’est un beau métier, être en libéral c’est clairement très exigeant intellectuellement et émotionnellement. Il faut être autonome, savoir se débrouiller tout seul, gérer sa petite entreprise et la faire évoluer, aimer travailler seul. Si c’est le cas, alors vous êtes prêt / prête à vous lancer !